LA COMPLAINTE DES MAINS
Dans le silence tuant de la nuit
J'ai mal ... aux mains.
Mes pauvres mains qui me renvoient, doucement
La vie à la figure, comme un miroir.
Ho! Elles se font petites, elles deviendraient presque menues
mes grosses mains mais ... quelle histoire!
Dans le silence tuant de la souffrance
J'ai mal ... aux mains
Ces mains qui sont allées à la découverte de l'espace et de la terre!
Dans le silence tuant de la révolte
J'ai mal ... aux mains
Ces mains qui ont tout touché ou presque...
Qui ont écrit tant de bonheurs et sur tant de malheurs
Dans le ciel bleu, sur des pages blanches et sur des coeurs!
Dans le silence tuant de l'abandon
J'ai mal ... aux mains
Mes mains ouvertes sur le néant et qui se referment
sur le rêve seulement... Elles aspirent à un peu de pouvoir
pour toucher la joue d'un enfant, un instant.
Mains qui balaient le vide du monstrueux rejet de la chair
qu'elles ont déposées, un jour... trois jours...
Sur un lit blanc de petit gosse!
Dans le silence tuant du souvenir
J'ai mal ... aux mains
Ces tristes mains trop fatiguées déjà, dont les sillons douloureux
draines les suées du désespoir sous des regards indifférents
Insupportables et méprisants!
Dans le silence effrayant du désamour
J'ai mal ... aux mains
Ô toi, main de vie, invisible et pourtant si proche
Même si j'ai mal ... aux mains
Si tu pouvais, si tu voulais bien me les laisser... mes mains
Afin q'elles puissent, dans leur vase
Accueillir les paroles de larmes de mes yeux
Et les essuyer lorsque j'ai mal ... au coeur!
Ô mes mains... brûlantes
André Gil, Clinique St.Amé, 23 mars 1994, minuit